Magic february

Il y a des jours comme cela, pendant lesquels rien ne semble vouloir s'organiser comme il faut...
Et pourtant!

Ce 26/02, la météo annonce un cross potentiel, tout du moins les premiers thermiques de la saison, hélas j'ai partiel... Au mieux, je serai en retard sur la masse d'air!

L'examen a lieu de 8h à 10h, ce qui veut dire qu'en me dépêchant, je peux être à St Omer avant midi! Je passe voir le prof qui assure le cours de 10h à midi, le temps de signer la feuille de présence, puis j'enfourche mon vélo, le moral gonflé à bloc en regardant le ciel.

Je suis sur site un peu avant midi, mais j'ai encore beaucoup de choses à préparer, je n'ai pas trouvé de sandwich, et mon secours n'est pas monté! Il me faudra près de 45 minutes avant de finalement me mettre en l'air!

12h45, Léo est en l'air depuis au moins 30 minutes, je décolle enfin... Je teste une nouvelle sellette, le changement est brutal, la masse d'air est hachée par le vent d'Est, je n'ai pas volé depuis un mois, les premières secondes sont difficiles. Je m'éloigne du relief, reprends contact avec cette masse d'air difficile, et parviens finalement à me mobiliser. Ensuite, tout s'enchaîne rapidement. Je ne compte pas moisir sur site, alors après avoir abandonné un première bulle qui dérivait plus qu'elle ne montait, je décide de ne pas penser à l'échec potentiel et décale rapidement dans un léger thermique. 5 tours plus tard, ma décision est prise, je suis à 200m/sol et je ne pourrai pas revenir sur le site, il faut se sortir les doigts maintenant.

Je zone un peu avant Thury, j'hésite même à me jeter en Soaring sur la Roche à Bunel, mais je finis par trouver le premier bon thermique de la journée. Il monte bien, mais dérive directement dans la TMA de Deauville! Je la tangente en profitant au maximum du thermique et finis par le perdre... Un rapide coup d'oeil sur la dérive des thermiques précédents m'annonce que cela va être très dur de craber assez pour passer à côté de la TMA! Alors je me jette le plus loin possible de l'espace aérien, en visant la ville d'Aunay sur Odon. Et me voilà déjà en survie à 250m/sol!!

Heureusement, la ville chauffe bien et un thermique puissant me ressort de ce point bas! Coup de chance, je m'étais assez éloigné de la zone et 20 minutes plus tard, je suis 1000m plus haut, sans avoir eu à quitter le thermique pour éviter la TMA. Presque 1500m et toujours pas au plaf, la journée ne s'annonce pas si mal que cela finalement...

Il fait vraiment froid, un voile se profile et le soleil chauffe de moins en moins, mais j'avance... Au km50, je suis toujours à 1500m et le plaf est encore plus haut. Je ne peux plus monter, à l'ombre et trop frigorifié pour monter plus...
Je m'engage donc dans les marais du Cotentin!! J'avoue que c'est un peu effrayant de voir cette étendue d'eau, de champs innondés, d'arbres qui semblent pousser au milieu d'un lac, mais surtout, pas un seul point posable à plusieurs km à la ronde!! Je traverse la baie des Veys, et pendant 40 bornes je survole ce terrain hostile où il ne ferait pas bon faire un point bas! Alors je prends mon temps et j'assure, le vent me pousse et je n'ai pas à me presser! D'autant que le paysage est magnifique, alors autant en profiter!!

Aux environs du kilomètre 100, en quittant la zone des marais, je commence à distinguer de nouveau le sol, il y a même des routes qui semblent sortir de l'eau! Je maudis le caractère inattendu et trop peu préparé de ce vol, je n'ai pas d'appareil photo, et je suis trop congelé pour enlever les gants et sortir mon téléphone... :-(

Hélas, cela commence à sentir la fin, le voile s'épaissit, le soleil disparaît de plus en plus, les zones d'ombre grossissent, et j'ai de plus en plus froid... Mes jambes tremblent, mon cocon bouge dans tous les sens, j'ai du mal à garder le mental!! Mais je distingue maintenant la côte Nord du Cotentin! Les thermiques sont moins francs mais le paysage donne tellement envie de rester encore un peu que je m'accroche dans tout ce qui passe! Je ne veux pas descendre... La dernière zone aérienne est maintenant contournée, et je zone toujours en basses couches, caressant l'espoir d'aller poser au bout du monde... J'ai la mer à gauche, à droite et en face de moi, dans quelques kilomètres je serai au bout de mon vol, je DOIS y aller.

Quand les premiers bips de ce dernier thermique se déclenchent, je le sais, c'est fini, je n'ai plus à me battre, seulement à me relâcher et contempler, les quelques centaines de mètres que je gagnent maintenant sont pour le fun, ça va le faire, j'y suis, j'ai remonté tout le cotentin et je vais aller poser au bout du monde! Mais un autre objectif me trotte dans la tête, et en quittant le thermique, je me dis que dans 10 minutes je serai posé, je peux me geler les doigts une dernière fois; je sors mon téléphone pour appeler Chouchou! La conversation qui s'en suit est un mélange de: "J'arrive chez toi", "bip bip", "St Omer", "NAAAANNNN", "enfoirééé", et autres effusions ;-)! Bref, Chouchou est chez lui à Urville-Nacqueville, et je sais où je vais dormir ce soir! une dernière transition, puis une approche poulie poulie parce que le vent rentre vraiment très fort ici, et je pose à moins de 100m de chez Denis, même pas besoin d'organiser la récup.

C'est pour répondre à sa question que je regarde la distance: 124km en ligne droite depuis le déco! J'ai un peu de mal à réaliser, mais pourtant, c'est fait! Le premier vol de plus de 100km en plaine au mois de février! Je l'ai fait!! Et si je ne me trompe pas c'est un record National pour février :-)

La saison s'annonce bien, je me préparerai un peu plus pour les prochains vols, mais ouah, celui-ci était tellement imprévisible et magnifique qu'il restera gravé pour longtemps! Le froid, l'ombre, les zones sans posés et la difficulté n'auront pas suffi à contrer mon mental, et cela en valait vraiment la peine!

Et un grand merci à Chouchou pour l'accueil et l'euphorie à l'arrivée ;-)